LES ARTISTES CONTRE YOUTUBE : LA FIN DES VIDÉOS DE FANS ?
Un nouveau combat mobilise les artistes : la protection des droits d’auteurs sur les contenus de « user-generated content* ».
Une lettre ouverte signée par Taylor Swift, U2, Vince Staples, Kings of Leon et un peu plus de 180 artistes et adressée au congrès américain s’attaque au Digital Millennium Copyright Act (DMCA) qui régit les droits d’auteurs et les copyrights en ligne.
QU’EST-CE QUI TRACASSE TANT LES ARTISTES ET MAISONS DE DISQUES ?
Le DMCA permet à YouTube de se décharger de toute responsabilité concernant des infractions au droit d’auteur sur sa plateforme. Ce qui veut dire qu’un utilisateur de YouTube peut uploader sur la plateforme du contenu protégé par les droits d’auteur (un morceau de musique, un album) et que YouTube est autorisé à laisser ce contenu en ligne sous réserve de ne pas avoir été informé du contenu illégal de la vidéo et jusqu’au moment où les artistes concernés demanderont son retrait.
D’après les maisons de disque, cela constitue un avantage injuste au profit de YouTube, avantage qu’aucune autre plateforme de streaming ne possède, car YouTube génère de l’argent à chaque fois que la vidéo est lue sans pour autant reverser aux ayants-droits (pour simplifier, l’artiste et sa maison de disque) l’argent qui leur est dû. En résumé : YouTube profiterait des vidéos piratées du contenu des artistes au détriment de ces derniers.
Pour aider les artistes à identifier les contenus pirates sur sa plateforme, YouTube a crée il y a une dizaine d’années Content ID, qui parcourt les millions de vidéos en ligne pour identifier celles qui utilisent du contenu illégalement. Si Content ID trouve un contenu pirate, il en informe les ayant-droits qui décident soit de retirer le contenu, soit de l’autoriser et de toucher des revenus publicitaires dessus.
D’après YouTube, « 50% des revenus YouTube de l’industrie de la musique proviennent des contenus uploadés par les fans« . Le programme aurait déjà reversé plus de 2 milliards de dollars aux artistes et aux maisons de disque. Mais les avis divergent sur l’efficacité de Content ID : d’après YouTube, il est efficace à 99.7%, d’après les labels seulement à 50%… Bon.
QUELLES PEUVENT-ETRE LES CONSÉQUENCES POUR YOUTUBE ?
Si le Congrès américain accepte de rendre la plateforme responsable de tous les contenus non-respectueux des droits d’auteurs, comme le demandent les artistes, ce serait une catastrophe pour le service qui devrait gérer un nombre incalculable de vidéos illégales et des procès associés. Les maisons de disque pourraient également décider de faire passer Vevo sur une autre plateforme, comme Facebook par exemple, alors que la musique est le contenu le plus lu sur YouTube qui a elle-même été jusque très récemment la plateforme n°1 de streaming musical dans le monde.
Et dans ce cadre, difficile également pour les nouvelles plateformes collaboratives de pouvoir développer leur service aussi vite que YouTube, Facebook, Twitter et les autres car elles devront constamment surveiller le contenu mis en ligne sur leurs plateformes.
LA FACE CACHÉE DE L’ICEBERG
Quels que soient les chiffres, résoudre le problème du contenu pirate sur Youtube ne représente pourtant pas le gros de l’insatisfaction des artistes envers la plateforme. Le principal problème ? La baisse des royautés, les revenus versés aux artistes à chaque fois que leur musique est jouée en ligne.
En gros, YouTube touche de l’argent à chaque fois qu’une vidéo est jouée sur sa plateforme grâce à la publicité qui passe avant/pendant/après et qui encadre la vidéo. Elle reverse une partie de cet argent touché aux artistes. Premier problème : l’argent reversé par YouTube pour chaque écoute est bien plus faible que ce que reversent Spotify et Deezer par exemple.
Deuxième problème : sur l’argent reversé par YouTube aux ayant-droits, seule une petite partie revient aux artistes tandis que les labels conservent la plus grosse part des revenus.
QUELLE(S) SOLUTION(S) POUR YOUTUBE ?
Une solution potentielle à venir : le lancement de YouTube Red aux Etats-Unis, un service d’abonnement à 10$ qui permet de regarder le contenu YouTube sans les publicités. Un modèle de revenus plus proche de celui de Spotify, qui permettrait donc aux artistes de recevoir des revenus équivalents également.
Une discussion qui n’est pas prête de s’arrêter et qui pourra avoir plus de conséquences que ce que l’on imagine. Ce qui est sûr, c’est qu’elle prend de l’ampleur alors que le débat sur les appareils photos en concert se développe lui aussi. Deux faces de la même pièce ?
* Littéralement « le contenu généré par les utilisateurs », c’est-à-dire par exemple les photos, vidéos de concerts postées sur YouTube mais aussi tous les contenus partagés sur Twitter, Facebook etc.
Sources : Fast Company, Vanity Fair
Cet article a été précédemment publié le 15 août 2016 sur le blog de LoveLiveMusic.fr.