LES POTENTIELLES CONSEQUENCES DU BREXIT POUR LA MUSIQUE
La grosse actualité du jour, celle à laquelle vous ne pourrez pas échapper, c’est le Brexit. Le peuple du Royaume-Uni a donc décidé de quitter l’Union Européenne.
En dehors des conséquences que cette décision va avoir sur l’économie ou encore la politique en général dans le pays, faisons un point (non-exhaustif) sur les conséquences pour ce qui nous intéresse ici : la musique et plus précisément le live.
C’est d’autant plus pertinent que l’industrie musicale britannique a enregistré de bien meilleures performances économique que l’économie britannique dans son ensemble en 2015 (certainement grâce au nouvel album d’Adèle). Et qu’en 2015 toujours, les artistes britanniques représentaient plus de 17% des ventes d’albums dans les 6 marchés européens les plus importants après l’Angleterre – l’Allemagne, la France, la Suède, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas.
LE POINT CRITIQUE : LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Les artistes britanniques seront désormais obligés de demander des visas pour chaque marché européen visité, ce qui va très certainement rendre l’organisation de concerts plus compliquée. Sans parler des coûts et des démarches administratives associés, qui vont rendre la tâche difficile aux petits artistes au budget serré. La lourdeur administrative, les coûts et la non-garantie d’avoir son visa sont d’ailleurs les raisons pour lesquelles peu d’artistes européens font des tournées aux USA. Et puis rien ne garantit l’obtention du visa. Le rappeur anglais Skepta avait d’ailleurs vu son visa refusé quelques jours avant sa participation au festival Coachella en avril 2016. Il serait dommage de voir ce phénomène se produire également au Royaume-Uni.
Le problème se pose également dans l’autre sens : les artistes européens qui veulent tourner au Royaume-Uni devront eux aussi s’acquitter de toutes ces formalités, au détriment des opportunités que le Royaume-Uni peut représenter. Dommage pour le public britannique également !
Alors que de récentes études montrent que 38% de l’audience des concerts en Angleterre sont des touristes, le Brexit pourra avoir de sérieuses conséquences sur le tourisme musical qui a généré environ 3.8 milliards d’euros en 2014.
LA FLUCTUATION DE LA MONNAIE
Pour les tournées déjà prévues, la réaction des marchés boursiers et ses conséquences sur les taux de changes entre la livre, l’euro et le dollar peut avoir des conséquences très importantes sur les budgets déjà très serrés des tournées. C’est un effet à court terme pour le moment, mais voyons dans quelques temps comment la situation se rétablit.
LA RÉINTRODUCTION DES CARNETS
Le carnet est un document qui doit être fourni lors du passage de la frontière et qui doit lister exhaustivement TOUS les équipements transportés pour éviter l’import ou l’export de biens sans payer la TVA . Et quand on a plusieurs instruments, des systèmes son et plus encore, ça peut devenir compliqué. En plus de cela, les carnets coûtent entre 1200€ et 2500€ et ne sont valable qu’un an. Ils n’étaient plus utilisés jusqu’à maintenant, mais il est possible de les voir faire leur grand retour.
LA GESTION DES COPYRIGHTS ET DES DROITS D’AUTEURS
La Commission Européenne est actuellement en cours de révision des lois sur la protection des œuvres dans le cadre de sa stratégie de Marché Unique Numérique qui a vocation à améliorer l’accès aux biens et services numériques et à créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques. Le Royaume-Uni faisait partie des membres bénéficiant de ces régulations et avait son mot à dire dans leur définition et mise en place.
LES QUOTAS CULTURELS
Bien que peu probable, la crainte de voir les pays de l’Union Européenne mettre en place des quotas pour limiter les passages d’artistes britanniques en radio est aussi avancée. Le sujet des quota est important particulièrement en ce moment en France, avec la récente constitution d’une commission chargée de trouver un moyen de satisfaire à la fois les programmateurs de radio, les éditeurs et les artistes. La SACEM a d’ailleurs lancé une pétition « Touche pas à mes quotas » qui a déjà été signée par plus de 1 800 artistes français.
LA PRODUCTION PHYSIQUE
Que faut-il pour fabriquer des vinyls ? Du vinyl ! Et où est-il produit ? En Europe continentale. Dommage pour les artistes britanniques qui vont donc devoir importer du vinyl ou faire presser les leurs à l’étranger, avec les taxes d’import qui vont avec. Dommage pour les auditeurs anglais qui vont sûrement devoir payer plus chers leurs vinyls, et encore plus dommage pour les amateurs européens qui vont devoir aussi subir la taxe d’import de ces vinyls dans leur pays. Idem pour les CDs, un bon moyen d’accélérer la baisse des ventes physiques, pourtant les plus avantageuses en termes de droits d’auteurs pour les artistes.
Cela va également rendre la tâche plus compliquée aux revendeurs indépendants, qui n’auront pas d’autres lignes de produits pour supporter les pertes de marges sur les CDs et Vinyls, à l’inverse des supermarchés. Supermarchés qui seront certainement plus enclins à vendre uniquement des valeurs sûres, au détriment de la diversité culturelle.
LES SUBVENTIONS ET INITIATIVES EUROPEENNES
Plus d’Union Européenne, plus de subventions. Artistes, labels, lieux de concerts recevaient des aides, parfois difficiles à obtenir certes, mais tout de même. Liveurope par exemple est une initiative apportant de l’aide aux salles de concerts qui font la promotion d’artistes Européens émergents. Ou encore le réseaux de salles Trans Europe Halles, qui regroupe 61 centres multi-disciplines et 24 organismes associés à travers l’Europe, dont l’objectif est la création d’un forum dynamique de partage d’idées, d’expériences et qui encourage les collaborations artistiques à travers l’Europe.
AU FINAL
Bon, ça ne semble pas bien rose. Assister à des concerts ou à des festivals en Angleterre, ou voir des artistes anglais jouer en France sera plus compliqué, mais pas insurmontable. Il faudra juste y mettre un peu plus de préparation. Et espérer que la diversité culturelle n’en sera pas affectée. L’avenir nous le dira !
Si vous êtes intéressé (et anglophone) pour en savoir plus sur l’industrie musicale britannique, vous pouvez consulter l’étude Wish You Where Here 2016 – the contribution of live music to the British economy.
Idem, pour les anglophones, cet excellent article de Pitchfork The UK leaving the EU would change the European music industry.
Et pour finir sur une note positive, le morceau « I Love EU » de Gruff Rhys du groupe gallois Super Furry Animals :
Sources : Billboard ; Pitchfork / Crédut photo couverture : The Independent
Cet article a été initialement publié le 24 Juin 2016 sur le blog de LoveLiveMusic.fr